Les rayons X
I. la découverte des rayons X
1. le contexte
Dans les années 1890 deux appareils occupent une place de choix dans tous les laboratoires qui se préoccupent de physique :
- une source de haute tension électrique : la bobine de Ruhmkorff.
- un tube cathodique : le tube de Crookes.
Ces appareils ne sortent pas du néant. Dès les débuts de l’électricité des machines électriques alimentent des sphères ou des tubes de verre dans lesquels on a réalisé le vide. Les étranges phénomènes observés provoquent à la fois de l’admiration, de l’inquiétude et de nombreuses interrogations.
Le tube de Crookes
Crookes, sir William (1832-1919), chimiste et physicien britannique, inventeur du premier tube à vide. La forme rend commode l’étude du rayonnement qui émane de sa cathode.
La lumière que ce tube émet fascine. Elle peut être déviée par un champ électrique ou magnétique, elle rend fluorescent le verre qu’elle frappe.
Ces rayons que l’on nomme à présent "rayons cathodiques", que sont-ils ? Un jet de particules chargées d’électricité ? Une forme particulière de rayonnement lumineux ?
La question agite tout le monde des savants européens et partout des tubes de Crookes, alimentés par des bobines de Ruhmkorff, sont sollicités afin de lui apporter une réponse satisfaisante.
2. la découverte
La découverte des rayons X par Röntgen est un peu le fruit du hasard. Directeur de l’Institut de physique de Würzburg (allemagne), il cherche à élucider la nature de l’électricité et étudie la lumière fluorescente émise lors du passage d’un courant électrique dans une ampoule contenant un gaz à basse pression (tube de Crookes). Dans une expérience réalisée en chambre noire, Röntgen observe un phénomène de fluorescence de la plaque photographique à distance du tube de Crookes alors même que celui-ci est recouvert de carton noir. Il observe aussi que ce phénomène persiste s’il interpose des objets entre le tube et la plaque : les rayons sont si pénétrants qu’ils sont capables non seulement de traverser l’air mais aussi le verre, le papier, le bois.
L’observation a déjà été faite mais Röntgen réalise une expérience inédite qui parle immédiatement à l’imagination: il place sa main entre le tube et l’écran. Il en voit alors distinctement l’ombre et aperçoit également celle, plus claire, de ses os. Son squelette devenu visible, Röntgen en déduit qu’un rayonnement invisible d’origine inconnue est émis et lui donne le nom de rayons X (dénomination d’une inconnue en mathématiques).
En recevant le rayonnement sur une plaque photographique encore plus sensible que l’oeil humain, il prouve que tout ceci n’est pas une illusion.
Un certain nombre d’autres physiciens avaient produit auparavant un rayonnement pénétrant similaire aux rayons x sans en apprécier la portée. Röntgen, professeur allemand d’université, est le premier à publier un rapport sur la production de rayons X et il reconnut immédiatement leur valeur à des fins de diagnostic médical.
La découverte des rayons X par Röntgen date du 8 novembre 1895. Méticuleux, Wilhelm Röntgen va rester seul dans son laboratoire durant sept semaines pour multiplier les observations. Le 28 décembre 1895, il publie dans le bulletin de la Société physico-chimique de Würzburg un article intitulé « Über eine neue Art von Strahlen » (À propos d’une nouvelle sorte de rayons). Parallèlement, il envoie, dès le 1er janvier, à la plupart des sociétés savantes d’Europe et à des scientifiques renommés une copie de son article dans lequel figure une radiographie de la main du célèbre anatomiste Rudolf Albert von Kölliker. Il y avait joint une radiographie de la main de son épouse Bertha qui sera considérée historiquement comme la toute première radiographie.
Les grands journaux relaient l'information dès le 2 janvier 1896. L'information diffusée par télégraphie et reprise par des journaux du monde entier. C’est une véritable frénésie qui s’empare des laboratoires tous équipés du matériel qui permet de les reproduire dans l’instant. en france les 1eres radiographies furent réalisées à Paris. En l'absence d'electricité à l'hopital, la haute tension etiat fournie par un générateur électrique actionné manuellement.
II. L’épopée des Rayons X jusqu'en 1914
contexte
En un peu plus de 2 mois, 2 types de rayonnements nouveaux ont été découverts alors qu’en cette fin du XIXe siècle personne n’a l’idée que de tels rayonnements invisibles puissent exister. (Un an plus tard, des travaux similaires conduisent le physicien britannique Thomson à la découverte de l’électron, ce qui élucide enfin la nature du courant électrique).La découverte des rayons X, tardive dans l’histoire de la physique (l’électricité et le magnétisme sont connus depuis longtemps), a révolutionné la compréhension du monde dans lequel nous vivons.
les médecins et physiciens firent rapidement un usage intensif des rayons x car le matériel pour les produire était disponible.
1. les applications médicales
Janvier Février 1896. premiers articles dès les 1ers jours de janvier font état de l'importance de la découverte. " La possibilité de voir à travers le corps humain donnera au médecin un puissant moyen d’investigation. Un os brisé montrera toutes ses esquilles, que l’on pourra rechercher à l’endroit précis où elle se trouvent ; une balle, une aiguille même révélera sa présence par l’ombre qu’elle projettera sur l’écran ou sur la plaque sensible."L'un des 1ers usages efficaces de la radiographie consiste en la recherche de balles enfouies dans le corps de l'homme (mars 1896) et malaisément identifiables sans la transparence provoquée des tissus. Puis 1ere fracture de la jambe observée.
Mai 1896. La méthode se perfectionne. De superbes "radiographies" sont proposées. Ex: radiographie des ustensiles contenus dans une trousse de couture, du squelette des coquillages. La radiographie devient esthétique. Nombre de médecins constituent leur galerie personnelle, élevant au rang d'oeuvres d'art les radiographies et prenant la place des musées anatomiques, eux-mêmes héritiers des cabinets de curiosités.
Juin 1896. Edison a mis au point un fluoroscope qui permet d’observer directement à travers les corps. Un écran sensible est placé à l’extrémité d’une "chambre noire" dans laquelle l’observateur plonge le regard. Il suffit donc d’un tube de Crookes et de cette boîte pour que chacun puisse observer les os de sa propre main placée sur l’écran et irradiée par la lampe placée en face.
Edison précise bien que la réussite dépend de la puissance du tube de Crookes utilisé, c’est-à-dire du vide réalisé. Ce sont donc des rayons X de forte intensité qui viennent frapper l’observateur et en particulier son visage et ses yeux.
Une nouvelle version du fluoroscope de Edison, plus commode, est proposée pour les médecins. Comme la première, elle expose fortement l’utilisateur.
1901 premier prix Nobel de physique décerné à Rontgen
stérilisation par irridation par rayons x des ovaires, 1907
Février 1897. découverte de l’un des usages essentiel des rayons X : la détection d'affection pulmonaire et tuberculose par radioscopie. tuberculose détectée au dernier stade chez un jeune homme de 20 ans. Le patient est soumis à une heure d’exposition aux rayons X chaque matin pendant plus d’un mois, avec des rayons puissants et pénétrants. L’état du malade s’améliore au point qu’on le considère bientôt comme guéri (masi sa poitrine subit de multiples brûlures).
L'équipement pour rayon X est très simple: Une bobine de Ruhmkorff, un tube de Crookes, un écran fluorescent. Plusieurs fabricants se disputent un marché juteux.
Ils offrent eux mêmes des démonstrations et ouvrent des cabinets de radiologues où leurs assistantes tiennent souvent le rôle du cobaye.
2. les applications non médicales
Les rayons X, le dernier cri de la mode
Mais c’est dans la rue que le succès devient le plus fort. De grands magasins attirent leur clientèle avec les deux spectacles du moment : le cinématographe et les rayons X.
· Le grand chic pour un magasin de chaussures consiste à radiographier le pied de leurs clientes.
· L’appareil à rayon X, comme avant lui le tube de Crookes, devient un élément des cabinets d’occultisme.
· les douanes l'utilisent très vite.
Dans la société le fantasme règne que toute intimité va disparaitre. La transparence du corps aboutit à un surplus de nudité et ne saurait manquer d'entrainer la dissolution des moeurs. On vend des vêtements à l'épreuve des rayons x pour sauvegarder la pudeur des femmes menacées par la + technologique des formes de voyeurisme.
Les rayons x sont le point de départ d'un nouveau temps de l'imaginaire et du dévoilement. Ils donnent à voir son squelette en occultant la mort. La transparence de la chair fait l'économie de l'autopsie ou de la dissection. On ne rompt pas l'intégrité du corps. C'est une anatomie propre, sans épanchement d'humeurs. La mise en échec de la mort et le retournement du corps humain grâce à l'appareil radiographique déclenche un imaginaire morbide ou ironique qui durera des années.
3. le revers de la médaille: les effets nocifs
Novembre 1896. Un premier article titré : "les méfaits des rayons X". Le témoin a été démonstrateur en rayons X pendant l’été à Londres (plusieurs heures d’exposition par jour pendant tout l’été). Il témoigne :"Dans les deux ou trois premières semaines je n’en ressentis aucun inconvénient mais au bout de quelque temps apparurent sur les doigts de ma main droite de nombreuse tâches foncées qui perçaient sous la peau. Peu à peu elles devinrent très douloureuses ; le reste de la peau était rouge et fortement enflammé. Ma main me faisait si mal que j’étais constamment obligé de la baigner dans de l’eau très froide… ". Une pommade calme momentanément la douleur mais " l’épiderme s’était desséché, il était devenu dur et jaune comme du parchemin et complètement insensible ; je ne fus donc pas surpris lorsque ma main se mit à peler".
Bientôt la peau puis les ongles tombent, les doigts enflent, les douleurs sont incessantes, il ne peut même pas tenir une plume.
Le journaliste se veut cependant rassurant. Ce récit dit-il " pourrait effrayer quelques personnes qui tiennent à leur peau et les éloigner pour toujours du tube producteur des mystérieux rayons, c’est pourquoi nous croyons devoir insister sur le fait que les premiers désordres se sont produits après plusieurs semaines d’une exposition quotidienne d’un tube assez puissant pour permettre les démonstrations publiques."
1896-1897. Des cas de brûlures de la peau, perte de pilosité, ongles qui tombent puis lésions, plaies ne cicatrisent plus. Des cancers apparaissent: Il faudra amputer les doigts, puis les membres des manipulateurs de rayons x, qui meurent quand même.
Ainsi l'assistant de Thomas Edison souffrit d’une radiodermite grave entraînant l’amputation de son bras puis sa mort en 1904.
On observe aussi une modification de la formule sanguine et de nombreux cas de stérilité.
Des mesures de précaution sont préconisées.
· 1896: un physicien américain renommé ayant exposé volontairement le petit doigt de sa main gauche aux rayons X pendant plusieurs jours en constate les dommages. Il appelle dans un article à se montrer prudent face aux surexpositions
· première campagne en faveur du contrôle des radiologues par le biais de la délivrance d’un permis d’État aux USA en 1899. On proposa que l’on considère comme un acte criminel le fait de provoquer une lésion à un patient. Plusieurs décennies s’écoulèrent avant que des mesures ne soient prises.
· En 1900 premières recommandations de radioprotection, notamment envers les femmes enceintes: ignorées jusqu'àprès 1945 (puis réexaminées...et rejetées)
· 1904 un praticien américain conseille d’améliorer les tubes par l’usage d’une enceinte imperméable aux rayons X ; de verre au plomb devant les écrans d’observation, d’une protection pour les opérateurs.
l’absence d’une norme agréée d’exposition au rayonnement ou d’une dose constituait un problème pour ceux qui voulaient établir des critères efficaces de protection - il fallut attendre jusqu’à l’adoption du röntgen comme unité d’exposition en 1928.
en 1913, invention du tube cathodique à rayons X incandescent et à tungstène qui contribua largement à diminuer les doses auxquelles étaient exposés patients et radiologues.
Le consensus général était que les rayons X, utilisés judicieusement, ne présentaient pas d’effets nocifs. On supposait, d’une manière simpliste,
· qu’un agent qui ne pouvait pas être perçu par les sens ne pouvait être nocif (même argument que pour le wifi ou les ondes electro magnétiques aujourd'hui).
· Puis que les effets n’étaient pas provoqués par les interactions des rayons X eux mêmes mais par l’électricité statique ou la sensibilité individuelle.
Mais bientôt ce sera la guerre 14/18 et l’usage massif des rayons X dans les infirmeries de campagne. "A la guerre, comme à la guerre": les précautions viendront plus tard.
III. La guerre et après
Durant 14-18 les appareils à rayons X servent à repérer les fractures et localiser les éclats d'obus. Marie Curie met au point les petites curies, des ambulances radiologiques qui parcourent le front.
Puis les affaires reprennent: nouvelles utilisations, machine pour le mal de tête
système d'épilation tricho machine, tricho system: innovation récompensée en 1914. tourne surtout au début des années 20, aux USA. En 1929 on commence à constater des dangers...qui touchent principalement les femmes de 18 à 30 ans.
1921 création en Angleterre du "British X-Ray an Radium Protection Committee" qui émet des recommandations généralement ignorées par les radiologues qui les trouvent incommodes.
En 1925 se tient à Londres le premier "Congrès International de Radiologie" qui met en place une commission internationale de protection à laquelle adhèrent la Grande Bretagne, les Etats Unis, la France, l’Allemagne, l’Italie, la Suède. Les recommandations portent à la fois sur les rayons X et les radiations radioactives, désignés globalement sous le terme de "rayonnements ionisants", dont les effets ont été reconnus similaires.
1928: adoption du Rontgen comme unité d'exposition.
Et après? le principe de précaution
une exposition inadéquate aux rayons x est susceptible d’entraîner des effets nocifs, voire la mort. Cependant, l’ébullition générale de la communauté scientifique et la publicité qui suivirent ces découvertes, firent que l’on n’a pas accordé d’importance aux dommages de ce rayonnement sur la santé, particulièrement à long terme.
La valeur médicale incontestable des rayons X d’un point de vue diagnostique et thérapeutique entraîna un manque de précaution, et il fallut attendre que l’on disposât de preuves évidentes pour que soit mis en place un contrôle de l’exposition de la population et des travailleurs: les années 60-70.
le principe de précaution fut plusieurs fois réajusté.
3.1. Les rayons X, la suite
Les exemples de (mauvaise utilisation) du rayonnement sont nombreux:
· l’utilisation
répandue de « pedascopes » pour ajuster les chaussures des enfants. Ces systèmes fluorescents de rayons X existaient dans tous les magasins de
chaussures dans les années quarante et cinquante et pouvaient produire des doses
de 1 röntgen par minute. Ces systèmes ne servaient qu’à amuser les enfants
pendant que leurs parents choisissaient des chaussures et les doses de rayonnement que recevaient les enfants et le personnel de magasin étaient dès lors totalement superflues.
· les
enfants qui avaient la teigne étaient traités aux rayons X afin de produire
l’épilation mais beaucoup ont ensuite développé un cancer
· Dans les années de l’après guerre on a lutté contre la tuberculose dans les écoles à coup de radioscopie annuelle et obligatoire.
· les
rayons X étaient utilisés pour l’épilation dans les instituts de beauté dans les
années trente et quarante.
· L’appareil de radioscopie a meublé tous les cabinets des médecins et était utilisé comme un banal stétoscope. Les femmes enceintes elles mêmes n'étaient pas épargnées.
Ces mauvaises utilisations du rayonnement échappaient à tout contrôle étant donné qu’il n’y avait, à l’époque, pas de normes juridiques spécifiques relatives à la sécurité contre le
rayonnement, mais de simples recommandations. Les 1eres normes arrivent en 1960s. Elles évoluent car on a pu observer, ces 20 dernières années, que le risque est quatre ou cinq fois plus
important que ce que l’on avait pensé jusque- là.
Conclusion
Les rayons X et la radioactivité sortent immédiatement des laboratoires de physique pour révolutionner la médecine. La radiologie bouleverse le diagnostic et le suivi de la tuberculose, fléau de cette fin de siècle, et sauve des milliers de vies de soldats blessés lors de la Première Guerre mondiale, permettant aux chirurgiens de repérer les dégâts osseux et de les réparer, de mettre en évidence les balles et les éclats d’obus et de guider leur extraction. En contrepartie, des effets biologiques néfastes des rayons X à fortes doses sont observés et les premières recommandations de radioprotection apparaissent. La radiologie médicale se développera de façon continue tout au long du siècle pour le plus grand bénéfice des patients du fait de son efficacité pour Erreur ! Nom du fichier non spécifié.contribuer au diagnostic des maladies et au suivi de leur évolution
Trois grandes applications majeures des rayons X méritent d’être citées.
· Le scanner X, mis au point en 1972 permet l’obtention d’images en coupes tomographiques beaucoup plus précises, reconstruites par ordinateur.
· Les accélérateurs linéaires d’électrons se sont imposés aujourd’hui en radiothérapie pour le traitement des cancers.
· La cristallographie par diffraction des rayons X a contribué à la découverte de la structure de l’ADN.