Serge VORONOFF

1866 – 1951: chirurgien français d'origine russe devenu célèbre pour sa technique de greffe de tissus de testicules de singe chez l'homme en France dans les années 1920 et 1930.

1866: né dans l'empire russe. part pour la France à 18 ans, où il poursuivit des études de médecine. 1895: Voronoff fut naturalisé français à 29 ans. étudiant du chirurgien et Prix Nobel de physiologie ou médecine français Alexis Carrel, qui lui apprit les techniques de transplantation d'organes.

 

Une expérience d'Alexis Carrel qui a beaucoup marqué son époque a été le cœur de poulet qu'il a fait vivre in vitro, dans un liquide nutritif, pendant au moins 28 ans (âge que n'atteint aucun poulet). Il ouvrait ainsi la voie à deux thèmes de recherches:

• La conservation d'organes vivants à des fins éventuelles de greffes;

• La limite exacte de la durée de vie des différents organes.

1896-1910: travaille en Egypte où il étudie les effets retardateurs de la castration sur les eunuques. Début d'une réflexion sur le rajeunissement.

 

1917-1926: Voronoff pratiqua + de 500 transplantations sur des moutons, chèvres & taureaux, en greffant des testicules d'individus jeunes sur d'autres plus vieux. Il observe que ces transplantations semblaient redonner vigueur aux animaux plus âgés

Contexte

• La xénogreffe. Fin XIXe siècle, le neurologue français Charles-Édouard Brown-Séquard étudie les propriétés des tissus, en greffant la queue d'un chat sur la crête d'un coq, ou une deuxième tête à des chiens. En 1906, Mathieu Jaboulay, avec son interne Alexis Carrel, tente la xénogeffe d’un rein de porc puis un rein de chèvre au pli du coude de deux femmes atteintes d'insuffisance rénale: c'est un échec, mais il montre la faisabilité de la technique. • Les travaux sur la transplantation glandulaire. Moritz Schiff montra que l'injection d'hormones thyroidiennes ou la transplantation de thyroïde sur un chien qui a subit l'ablation de cette glande peut empêcher sa mort.

• Les travaux sur la transplantation des testicules. 1889: Brown-Séquard (encore lui) s'injecta sous la peau des extraits de tissus testiculaires de chien et de cochon d'inde . Ces expériences n'eurent pas le résultat escompté qui était une augmentation artificielle des effets des hormones afin de retarder le vieillissement.

Ce fut le point de départ des expériences de Voronoff. Il pensait que des transplantations glandulaires produiraient des effets plus soutenus que de simples injections. Il pense qu'on peut échanger toutes les glandes à sécretion interne avec celles des grands singes.

Il considérait la transplantation de glandes de singe comme un traitement efficace contre la sénilité. • transplantation de glandes thyroïdes de chimpanzés sur des humains atteints de déficit thyroïdien, puis de pancréas de singe sur des humains diabètiques. • transplantation de testicules de criminels exécutés sur de riches volontaires. Augmentation de la demande --> il se résout à utiliser des testicules de chimpanzés en remplacement.

• première transplantation officielle d'une «glande de singe» chez un être humain eut lieu le 21 juin 1920. De fines sections (de quelques millimètres de largeur) de testicules de chimpanzés et de babouins étaient implantées dans le scrotum du receveur. La finesse des échantillons de tissus étrangers était censé leur permettre de fusionner avec le tissu humain.

Voronoff prétend ainsi obtenir chez ses patients un rajeunissement, une meilleure mémoire, la capacité de travailler durant une période plus longue, la disparition probable du besoin de porter des lunettes (due au renforcement des muscles des yeux), et l'augmentation de l'espérance de vie et une augmentation du désir sexuel (bien qu'il précise que ce n'est pas le but). Voronoff supposa aussi que la chirurgie par greffe pourrait bénéficier aux malades atteints de schizophrénie.

--> livre Le rajeunissement par la greffe (1925)

Cette technique chirurgicale remporte un grand succès et l'enrichit financièrement. Au début des années 1930, plus de cinq cents hommes avaient été traités en France par sa technique de rajeunissement, et des milliers d'autres encore de par le monde, à tel point qu'une clinique spécialisée fut construite à Alger. Des personnalités subirent cette chirurgie, comme le 1er ministre de turquie. Pour faire face à la demande d'interventions, Voronoff bâtit sa propre ferme à singes, et employa un ancien gardien de cirque pour la gérer. Avec sa richesse grandissante, Voronoff occupait la totalité du premier étage d'un des hôtels les plus chers de Paris, entouré d'une escorte de chauffeurs, valets, secrétaires personnels et de deux maîtresses. En 1923, sept cents des plus grands chirurgiens du monde, au Congrès International des Chirurgiens à Londres, applaudirent au succès rapporté dans le rajeunissement d'hommes âgés.

 

Plus tard, Voronoff transplanta des ovaires de singes chez des femmes. Il essaya aussi l'expérience inverse, c'est-à-dire la transplantation d'un ovaire humain dans un singe femelle, puis il essaya d'inséminer du sperme humain dans le singe.

Célébrité

Le traitement aux «glandes de singe» de Voronoff était en vogue dans les années 1920. Dans les soirées élégantes et les apéritifs chics, les mots «glandes de singe» étaient sur toutes les lèvres. • Littérature: le poète E. E. Cummings le mentionne. Dans l'histoire de Sherlock Holmes The Adventure of the Creeping Man par Sir Arthur Conan Doyle, toute l'intrigue a pour objet un professeur qui s'injecte des extraits de glandes de singe. Voronoff fut le modèle pour le professeur Préobrajensky, dans le roman de Mikhail Boulgakov, Cœur de chien, publié en 1925. L'auteur y implante des testicules et une hypophyse humaine dans un chien. • une chanson du film The Coconuts des Marx Brothers, contient le vers « Si tu es trop vieux pour danser/Cherche-toi une glande de singe »

• La mode féminine étant alors aux manteaux en peau de singe, on lit dans Le Figaro du 3 juillet 1924 qui rappelle l'affaire : « Les fourreurs l'emploient pour les dames et le docteur Voronoff pour les messieurs".

• cocktail Glande de singe: gin, jus d'orange, grenadine et absinthe dans les années 1920.

• des cendriers représentant des singes protégeant leurs organes génitaux, portant la phrase «Non, Voronoff, tu ne m'auras pas!», firent leur apparition dans des foyers parisiens au début des années 1920.

La disgrâce

On découvrit fin des années 1930 que la substance produite par les testicules est la testostérone. Voronoff s'attendait à ce que cette découverte confirmât ses théories: la testostérone serait injectée dans des animaux séniles qui deviendraient alors vigoureux et plus virils. On procéda à ces expériences qui n'eurent que peu d'effets: elles n'augmentent pas l'espérance de vie, contrairement à ce que Voronoff prévoyait. Aucune des opérations de xénogreffe n'apportait les résultats annoncés. Dans les 1940s, on relégua les thèses de Voronoff au rang de supercheries. La pression exercée par une communauté scientifique sceptique et un revirement dans l'opinion publique mirent fin aux expériences de Voronoff. Il passa du statut de personnalité respectée à celui de savant fantasque, voire de charlatan.

   De +, on constata qu’un tissu animal inséré dans un humain ne tendait pas à être «intégré», mais plutôt à être immédiatement rejeté. Il y aurait, dans le meilleur des cas, une cicatrice, ce qui risquerait de faire croire que le greffon est encore présent. Curieusement, cela signifierait que les nombreux patients de Voronoff, envers qui ils étaient reconnaissants pour sa chirurgie, ne durent leur rajeunissement, ainsi que tous les autres bienfaits de la greffe, qu'à l'effet placebo.

Lors de sa mort en 1951 à l'âge de 85 ans, peu de journaux mentionnèrent sa disparition, si ce n'est comme un charlatan.

Postérité

Dans les années 1990, la réputation de Voronoff changea de nature.

• En novembre 1991, l'un des plus vieux journaux médicaux d'experts au monde, The Lancet, suggéra que le dossier concernant Voronoff soit réexaminé et en particulier que « le Conseil de Recherche Médicale devrait approfondir l'étude des glandes de singe » (« the Medical Research Council should fund further studies on monkey glands »).

• 1999, certains supposèrent que le virus du SIDA découvert dans les années 1980 avait pu contaminer des êtres humains par le biais des greffes de tissus de singe effectuées par Voronoff dans les années 1920.

• 2005, certains auteurs semblent y voir la base des techniques anti-âge modernes de supplémentation hormonale — les substances sécrétées par le corps et qui disparaissent peu à peu avec l'âge — ayant pour effet un regain de vitalité et la manifestation de caractéristiques physiques relatives à la jeunesse.